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Digital MedTech

Les lunettes n’ont jamais guéri personne… mais elles sont pourtant indispensables

Comme de nombreuses personnes, j’ai des problèmes de vue. Heureusement, un dispositif a été inventé il y a des centaines d’années et me permet chaque jour de faire mon travail, de conduire ma voiture et d’établir un contact visuel avec mes interlocuteurs. Ce dispositif me permet, en somme, de participer pleinement à la société, jour après jour. N’est-ce pas formidable ?

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Steven Vandeput
July 3, 2023
 • 
5 min leestijd

Au quotidien

Mais quel est le rapport avec les technologies médicales numériques ? Si ce peut être le cas des lunettes de réalité virtuelle, mes lunettes de vue peuvent difficilement être rangées dans la catégorie des technologies médicales numériques. Du moins pas si l’on se concentre sur les caractéristiques du « dispositif » proprement dit. En revanche, si l’on s’attarde sur l’impact, les similitudes sont nombreuses.

La diversité de solutions numériques dont nous disposons aujourd’hui pourrait produire le même effet sur les personnes atteintes de troubles cérébraux (chroniques). Celles-ci pourraient prendre part à la société dans les rôles les plus variés : en tant qu’élève ou enseignant, en tant qu’enfant ou parent, en tant que travailleur ou employeur, en tant que sportif ou supporter, et ainsi de suite.

L’application numérique ne fait certes pas disparaître la maladie (chronique), mais elle en atténue l’impact. À l’image du rôle des lunettes pour quelqu’un qui a des troubles de la vue.

Grâce à la technologie médicale numérique, « être un patient » peut enfin passer au second plan, au profit de ce que vous voulez être au quotidien.

Au lieu d’être un « patient chronique » qui peut de temps en temps se permettre d’envisager une vie paisible, les rôles s’inversent : « être patient » peut enfin passer au second plan, au profit de ce que vous êtes et voulez être au quotidien. Vous ne devez « être patient » que dans la salle d’attente et dans le cabinet médical.

Un point de vue différent

Mon fils est atteint d’une forme d’épilepsie orpheline, responsable de multiples crises d’absence chaque jour. Ces crises s’apparentent à des épisodes de rêverie et se manifestent souvent en série. La principale différence avec la rêverie est qu’il perd brièvement conscience. Cette condition a donné lieu à pas mal de confusion et d’incompréhensions par le passé. Il s’est par exemple attiré les foudres du professeur à plusieurs reprises parce qu’il n’était pas attentif ou parce qu’il n’avait rien écrit sur sa feuille de contrôle.

À l’âge de 10 ans, mon fils m’a demandé si je pouvais lui fabriquer une lampe qui s’allumerait quand son cerveau se met « en pause ». Le maître ou la maîtresse aurait ainsi pu voir ses crises, ce qui aurait pu éliminer beaucoup de frustrations et de malentendus. Après une crise, la maîtresse aurait pu lui rendre un mot d’explication ou lui accorder un peu plus de temps pour son test. Cette solution aurait éliminé l’impact de ses crises sur son rôle d’élève et de camarade de classe, ce qui lui aurait permis de s’intégrer plus facilement dans le groupe.

Cette question a été une vraie révélation pour moi, car elle se situait véritablement à la croisée de ma vie privée et de ma vie professionnelle. Elle a déclenché beaucoup de choses.

Après mes premières recherches, j’ai fondé la société epihunter, en 2017. Nous nous sommes concentrés sur l’épilepsie dans un premier temps, mais nous étudions aujourd’hui aussi d’autres troubles cérébraux.

Le dénominateur commun : tous les troubles provoquent des changements d’état cérébral (soudains ou non) qui ont un impact majeur sur le quotidien du patient. Les biomarqueurs EEG de ces changements d’état ont déjà été décrits dans diverses publications scientifiques. Nous voulons apporter une solution à ces patients.

En combinant le diagnostic numérique et la thérapie numérique, nous entendons réduire au maximum l’impact sur la vie quotidienne des patients atteints de ce type de troubles cérébraux et de leur entourage. Dans le même temps, nous collectons des données validées cliniquement qui permettent d’accélérer le diagnostic et d’optimiser le traitement, et qui fournissent des informations utiles au développement de nouvelles thérapies numériques et/ou médicinales. (Vous trouverez plus d’informations à ce sujet sur notre site web.)

epihunter

Une vision holistique

Je tiens principalement à souligner le potentiel des technologies médicales numériques pour les personnes atteintes de troubles cérébraux (chroniques). J’appelle aussi à multiplier les efforts dans ce domaine.

Notre pays dispose de tous les ingrédients nécessaires pour jouer un rôle de leader mondial en matière de digital medtechs. Nous possédons des start-up et des scale-up qui excellent dans le domaine, un solide réseau de connaissances, un système de soins de santé accessible et complet, d’importants centres pharma, biotech et medtech, ainsi que des hôpitaux universitaires réputés. Le tout à quelques heures en voiture au maximum.

Notre forte densité de population et notre diversité font également de nous un « marché » idéal pour tester et développer des solutions de concert avec les utilisateurs. Nous sommes situés au cœur de l’Europe et abritons les principales institutions européennes, avec toutes les connaissances et les possibilités de financement que cette position implique. Et la liste de nos atouts est encore longue.

C’est pourtant principalement à l’étranger que les start-up et scale-up belges actives dans le domaine des digital medtechs parviennent à se faire une place

Comment sortir de cette impasse ? Il est avant tout question… des lunettes que nous portons. Dans le système de soins de santé belge, on se concentre encore trop souvent sur les contacts avec le système de soins. Cette vision étroite nous empêche de trouver un modèle de financement pour les solutions qui contribuent à améliorer la qualité de vie des patients en dehors de ce système. Alors que ces solutions sont efficaces dans 90 % des cas, voire plus. Si nous en prenions conscience, les différents organes consultatifs et comités perdraient peut-être moins de temps à discuter…

Instaurer une vision plus holistique des soins de santé (et de la santé en général) prend évidemment du temps. Du temps pendant lequel il ne s’agit pas de rester les bras croisés. J’appelle donc également les pouvoirs publics à faire preuve de courage. À oser abandonner pour un temps les grands principes et les débats « tout ou rien » qui mènent essentiellement à la stagnation, pour réaliser de petits pas répétés vers l’avant.

Une réflexion avant-gardiste

Accordons aux prestataires de soins le temps et l’espace dont ils ont besoin pour intégrer les technologies médicales numériques dans leur processus de soins, pour apprendre, répéter les opérations et surtout collecter les données nécessaires, en collaboration avec les start-up et scale-up. Tâchons de garder à l’esprit l’impact positif des digital medtechs sur le quotidien des familles touchées par les troubles cérébraux (chroniques), afin qu’elles soient moins contraintes de jouer uniquement le rôle de patient.

De nombreux parents d’enfants atteints de troubles cérébraux ont, par exemple, pu reprendre le travail avec notre aide. Notre plateforme les libère de la « pression de reporting » et leur apporte des éclaircissements sur l’efficacité du traitement.

Il s’agirait aussi de tenir compte de ce type de résultats dans les principes de remboursement des soins de santé. En d’autres termes, une réflexion avant-gardiste est de mise en la matière.

À propos de l’auteur

Tim Buckinx a dirigé pendant de nombreuses années des équipes de stratégie numérique actives sur le marché international de l’électronique grand public, notamment chez Bose. Il a fondé la société epihunter en 2017, sous l’impulsion de son fils.

Sa mission : permettre aux personnes atteintes de troubles cérébraux de participer davantage et mieux à la société.

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TimBuckinx