icometrix a vu le jour en 2011, en tant que spin-off des universités et des hôpitaux universitaires de Louvain et d’Anvers. L’entreprise emploie environ 45 collaborateurs : à Louvain, aux États-Unis et dans le reste du monde.

Un incubateur d’imagerie médicale. Voilà comment Dirk Smeets décrit l’outil icobrain d’icometrix. « Notre logiciel applique des algorithmes sur les images du scanner. Les résultats sont transmis au radiologue, qui les intègre dans le rapport destiné au médecin traitant, généralement un neurologue ou un gériatre. »
« Nous nous concentrons sur le suivi des patients. Ils ont généralement déjà reçu un diagnostic, mais en présence d’une pathologie neurologique, il est extrêmement difficile de leur prescrire le bon traitement. »
« Prenez la SEP (pour ainsi dire notre cheval de bataille) : la plupart des patients ne disposent malheureusement pas d’un traitement vraiment efficace.. Nos analyses basées sur l’IA montrent au médecin traitant le degré d’activité de la maladie. Le neurologue peut alors ajuster le traitement en conséquence. »
Une médecine personnalisée
« Nous collaborons avec les entreprises pharmaceutiques et les établissements universitaires. En neurologie, on administre encore souvent le même médicament à tous les patients. Notre mission ? Contribuer à trouver le traitement le plus adapté à chaque patient. Une médecine personnalisée, en d’autres termes. Dans ce domaine, l’oncologie a, par exemple, déjà une longueur d’avance. »
« En radiologie, nous ne sommes que la cinquième entreprise à avoir obtenu un tel code de remboursement. Nous sommes même la toute première en neuroradiologie. »
En juillet 2023, l’American Medical Association a attribué un code Current Procedural Terminoloy (CPT III) au logiciel d’icometrix pour la quantification des structures cérébrales par IRM. C’est exceptionnel, d’après Dirk Smeets. « En radiologie, nous ne sommes que la cinquième entreprise à avoir obtenu un tel code de remboursement. Nous sommes même la toute première en neuroradiologie. »
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Après l’assurance publique, bientôt une assurance privée aux États-Unis ?
« Le système de remboursement américain n’est pas simple », explique Dirk. « Il faut réunir trois éléments. Premièrement : une description de la procédure pour permettre aux médecins d’appliquer votre technologie. Nous avons franchi cette étape en juillet ; il n’y avait auparavant aucune procédure de ce type aux États-Unis. Les deux autres éléments sont le “payment rate”, ou taux de paiement, et la “coverage”, soit la couverture. »
« Le taux de paiement est le montant du remboursement associé au code. La couverture indique quant à elle les maladies concernées par le remboursement. Notre code peut ainsi être utilisé pour diverses pathologies neurologiques, en plus de la sclérose en plaques, notamment les lésions cérébrales traumatiques et la démence. »
Plus de la moitié du marché
« Les CMS (Centers for Medicare & Medicaid Services), soit le plus grand organisme public d’assurance des États-Unis, ont décidé de rembourser le logiciel d’icometrix. Nous avons un taux de paiement depuis le mois de novembre. La couverture suit un raisonnement négatif : en l’absence de contre-argument, elle s’applique. »
« Notre code est actif depuis le 1er janvier 2024. De nombreux Américains sont assurés auprès d’un assureur privé, mais les CMS couvrent 160 millions d’autres Américains : des retraités, des personnes malades ou handicapées ainsi que des familles à bas revenus. »
« Nous sommes en négociations avec les assureurs privés. Ce processus peut prendre du temps, les assureurs ne mettent pas facilement la main au portefeuille. Le fait que l’assurance publique ait examiné notre solution et décidé d’y associer un remboursement constitue toutefois un atout. »
« Bien qu’il y ait 6 000 assureurs privés aux États-Unis, nous nous concentrons sur les cinq principaux : UnitedHealth Group, Elevance Health, Aetna, Cigna et Kaiser représentent ensemble quelque 55 % du marché américain. »
D’importants débouchés
Pourquoi icometrix cible-t-elle autant les États-Unis ? « C’est le premier marché mondial de la santé, et celui qui nous offre le plus de débouchés », répond Dirk. « Jusqu’à présent, notre logiciel était essentiellement utilisé par des visionnaires et des “fanatiques”. Maintenant que notre application est remboursée, elle sera accessible à davantage d’utilisateurs. »

(Pas de) siège pour les radiologues
« La feuille de route est claire aux États-Unis. Chez nous, les procédures ne sont pas encore parfaitement au point. Si on dépense plus d’argent pour les logiciels de radiologie, il y en aura moins pour les radiologues ; c’est un point sensible. Aux États-Unis, il y a une séparation plus nette entre les décideurs et les médecins. Chez nous, les radiologues siègent au Conseil technique médical de l'Inami, ce qui complique un peu les choses. »
Quelles leçons icometrix a-t-elle tirées de l’aventure américaine ? Dirk Smeets : « Vous devez pouvoir prouver que votre technologie a des effets positifs. Reasonable and necessary, comme on dit là-bas. Le caractère raisonnable est lié au prix, le caractère nécessaire à l’utilité de la technologie. »
« À l’étranger, la Belgique est perçue comme un pays qui dispose d’entreprises de référence dans le domaine des technologies médicales. Le made in Belgium est un gage de qualité. »
« Il est aussi essentiel de bien se faire conseiller. Nous avons reçu l’aide d’un consultant qui faisait partie du groupe chargé des décisions relatives aux codes de remboursement. La rédaction de ce genre de dossier n’a rien de trop compliqué ; il est question d’une quarantaine de pages. Mais il y a des subtilités que seul un expert maîtrise. C’est aussi une question d’audace. Il faut, en outre, une stratégie pour en tirer un avantage concurrentiel. »
20 hôpitaux belges, de l’UZA à l’AZ Sint-Maarten
Près de 500 hôpitaux utilisent actuellement le logiciel d’icometrix aux quatre coins du monde : des États-Unis au Japon, en passant par la Belgique et le Pérou. Dirk Smeets : « À l’étranger, la Belgique est perçue comme un pays qui dispose d’entreprises de référence dans le domaine des technologies médicales. Le made in Belgium est un gage de qualité. Les logiciels dans le cloud présentent un avantage : ils nous permettent de nous étendre relativement facilement à l’échelle mondiale, à condition bien sûr de nous conformer à la législation locale. »
« Au Pérou, par exemple, l’obtention d’un remboursement n’est pas notre priorité pour l’instant. Les soins de santé privés y disposent de ressources suffisantes. En Belgique, une vingtaine d’hôpitaux utilisent notre outil, principalement en Flandre. Des hôpitaux universitaires comme l’UZA et l’UZ Brussel, mais aussi l’OLV Aalst, le CH Delta, l’AZ Sint-Maarten et le Sint-Franciscus Ziekenhuis, entre autres. »
« Nous espérons que le remboursement aux États-Unis aura des répercussions positives sur la situation en Belgique. »
« Nous ne sommes pas encore remboursés ici. Nous nous sommes adressés au cabinet du ministre et avons entamé de discussions avec l'Inami, mais nous avons choisi de cristalliser nos efforts sur les États-Unis dans un premier temps. Nous espérons néanmoins que le remboursement aux États-Unis aura des répercussions positives sur la situation dans notre pays. »
« Les hôpitaux belges qui utilisent notre logiciel le paient eux-mêmes. Ils tirent la valeur ajoutée de l’aide qu’il apporte au diagnostic et au suivi des patients. Comme les informations fournies par icobrain permettent aux radiologues d’examiner plus efficacement les images des scanners cérébraux et de dresser des rapports standardisés, le flux de travail au sein de l’hôpital s’en trouve amélioré. La sensibilité de la détection des anomalies cérébrales augmente, ce qui permet aux patients de recevoir les soins appropriés dans les plus brefs délais. »
Bientôt un remboursement au Royaume-Uni ?
« Nous tentons également d’obtenir un remboursement au Royaume-Uni. La décision revient au National Institute for Health and Clinical Excellence, tenu en haute estime à l’échelle mondiale. »
« Au Royaume-Uni, la décision relative au remboursement repose sur une approche puriste, à savoir une analyse coûts-efficacité pure et simple. Si les coûts diminuent après l’implémentation , ou s’ils augmentent, si les QALY (années de vie pondérées par la qualité) augmentent suffisamment, votre technologie est remboursée. En Allemagne, c’est l’utilité qui importe : qu’en retire le patient ? Et aux États-Unis, c’est donc le caractère raisonnable et nécessaire qui prime. Cette approche laisse libre cours au marché, ce qui est exclu au Royaume-Uni. »
« Au Royaume-Uni, les procédures sont claires, mais chronophages. En Belgique, le politique entre un peu plus en jeu. Notre pays est toutefois l’un des premiers à disposer d’un système simple et clair, avec la pyramide de validation mHealth. Notre app icompanion est également enregistrée chez nous. »
« Grâce à l’UE, l’Europe dispose d’un cadre réglementaire harmonisé, mais ça reste une grande mosaïque en ce qui concerne le remboursement des technologies : les procédures varient d’un pays à l’autre. Espérons que les États membres apprennent les uns des autres et partagent les bonnes pratiques. »